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Les boulangers des moulins, atouts image, gardiens de la qualité

05/07/2017
Marianne Roumégoux
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(*): Article réalisé en juillet 2015

Les boulangers assurent schématiquement deux grandes fonctions dans les moulins : démonstrateur ou boulanger d’essai. Mais le curseur des tâches qui leurs sont confiées varie selon les structures, avec des postes se rapprochant du technico-commercial jusqu’au responsable R&D. « Excepté dans les grandes structures, il y a rarement deux postes différents dans les moulins », témoigne Jean-François Astier, directeur général de l’INBP. « Il est en effet difficile d’occuper un boulanger d’essai à plein temps, les professionnels ont dès lors souvent une double casquette », quand la fonction n’est pas mutualisée ou même externalisée.

Il existe ainsi autant d’organisations des équipes que de minoteries. « Les choix se font selon les prédispositions de chacun et en fonction du fonctionnement interne de l’entreprise », complète le directeur commercial des Moulins de Chars, Philippe Sautereau. Quelles que soient les tâches confiées, un prérequis est indispensable pour exercer ces métiers : disposer d’un bon niveau technologique ! Ainsi, les meuniers exigent au minimum un Brevet de maitrise ou une équivalence en expérience. Celle-ci «compte même plus que la formation », estime Christian Hubert, qui gère une équipe de 35 boulangers répartis sur les divisions Meunerie et Ingrédients du Groupe Soufflet. «Nous recevons 15 candidatures spontanées par mois. Nous soumettons les candidats à un test d’une journée pour voir comment ils parlent de leur métier, mettent en avant leur savoir-faire sur le pain… » Pour être plus précis, quels grands traits définissent ces différents métiers et quelles qualités sont recherchées pour les exercer ?

Boulanger d’essai,
le méticuleux garant de la régularité

Le boulanger d’essai assure le contrôle de la farine et apporte son support technologique au moulin, notamment en matière de formulation. Pour cela, « il doit panifier selon un protocole précis pour caractériser les farines et détecter d’éventuels défauts », résume Arnaud Jacques, du Lempa. Il peut aussi réaliser le suivi qualité des éventuels clients industriels du moulin. L’expertise technologique est évidemment indispensable. Cette fonction requiert plusieurs qualités : «être minutieux, rigoureux, observateur » et « savoir respecter des diagrammes de fabrication à la lettre ». Se montrer «cartésien, patient, savoir bien lire les pâtes t avoir une bonne connaissance des ingrédients et des blés » est également essentiel complète Christian Hubert. Le boulanger d’essai est en effet aussi chargé de tester les ingrédients et surtout les variétés de blés, notamment lors du passage à la nouvelle récolte, en vue de réaliser les maquettes. Pour le professionnel de chez Soufflet, « il faut au moins avoir vécu 3 campagnes » pour être bien au point. « Au cours de la première, on découvre, lors de la 2e on s’aperçoit que la situation est totalement différente, et à la 3e on s’y attend ». « L’anticipation est une aptitude primordiale », souligne Gaël Denizot qui exerce au sein des Moulins de Chars. Car « un petit défaut repéré dans notre fournil sur un échantillon de 2 kg de farine aura des conséquences bien plus lourdes, notamment en terme de temps de travail, pour un boulanger qui met en oeuvre 40 kg et plus ».
Formulation, développement mixes, mise au point de nouveaux produits finis… Il n’est pas rare que le boulanger d’essai ait à mener de la R&D. Il doit cette fois se montrer « à l’écoute des tendances et des attentes des clients » et faire appel à sa capacité “d’innovation”, ce qui est plutôt contradictoire avec les précédents traits de caractères, remarque Thibaud Férard, démonstrateur-formateur pour les Moulins Foricher.

Boulanger démonstrateur,
l’expert bonne pâte

De l’avis de tous les professionnels interrogés, la première qualité nécessaire pour exercer le métier de boulanger démonstrateur est d’être psychologue « pour bien cerner les profils et attentes des artisans », argumente Olivier Doublet, désormais formateur à l’INBP. Il doit aussi savoir faire preuve de pédagogie et « trouver les mots pour expliquer et apporter des recommandations sans vexer l’artisan », complète Christian Hubert.
Confronté à divers modèles de matériel, parfois défaillants, et devant composer avec le niveau professionnel de son interlocuteur, il doit pouvoir adapter son discours et gérer toute situation. Cela suppose une très bonne connaissance technologique. En fait, « il faut savoir faire preuve d’une grande adaptabilité humaine et professionnelle », résume
Thibaud Férard. Pour Christian Hubert, « une maturité de 5-6 ans d’expérience dans le métier ou apportée par une première affaire », serait ainsi optimale.
Résolution de problèmes chez l’artisan, mobilisant à toute heure, animation d’évènements, souvent proposés le weekend, lancement de boutique, mobilisant jusqu’à 3-4 jours, le métier demande une grande disponibilité. « En tant que démonstrateur, on sait quand on arrive au fournil, pas quand on repart ! » image Olivier Doublet. Selon les structures, et les zones qui leurs sont dévolues, les professionnels doivent aussi s’attendre à voir du pays. La mobilité et la ponctualité sont des éléments essentiels. Le boulanger démonstrateur participe aussi souvent à l’accueil des clients au moulin pour des stages collectifs de présentation de l’offre ou d’approfondissementde thèmes précis, commele snacking par exemple. La fonctionpeut aussi revêtir une composante plusmarchande avec l’objectif de développer « les gammes de produits chezles clients, avec une vision fournil et magasin », explique Christian Hubert. La dimension commerciale n’est de toute manière jamais bien loin puisquele boulanger démonstrateur assure la représentation du moulin auprès du client. Mais, comme le souligne le formateur de l’INBP, Olivier Doublet, ces « coopérations marquent le client artisan. Si tout marche bien, il sera reconnaissant »… Et, si l’« on pouvait sentir, il y a une quinzaine d’années, une défiance envers le démonstrateur, jugé parfois comme un donneur de leçons, résume Philippe Sautereau. Les artisans le perçoivent désormais bien comme un allier, quelqu’un qui vient les épauler, leur rendre des services ». « Le regard a changé », confirme Hubert Christian, complétant : mais « cela traduit aussi la fragilisation du secteur. Quand ils se trouvent en difficulté, les boulangers peuvent avoir besoin d’un regard extérieur » pour solidifier leur entreprise.

Focus Métier publié dans la revue Industries des céréales n°192.

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