Le développement des protéines alternatives à la viande constitue l’une des axes de travail prioritaires que s’est fixés le Comité Stratégique de la Filière Alimentaire. Il a été détaillé par Anne Wagner présidente de Protéines France lors de la première réunion du 22 mai. Industries des céréales a eu précédemment l’occasion de l’interviewer. Extrait.
Lors de son lancement en 2017, l’ambition de votre association était de faire de la France un leader mondial de la protéine.
Cela en prend-il le chemin ?
Anne Wagner : La France a bien des atouts pour y arriver : à savoir une puissance agricole et un écosystème de coopératives et d’industries de première transformation performant avec un segment agro-alimentaire dynamique. Certains figurent d’ailleurs parmi les numéros un mondiaux. Et tous peuvent compter sur des infrastructures de recherche, comme l’Inra ou la plateforme technique, Improve, pour accompagner le développement de filières de valorisation des protéines, végétales ou autres.
Protéines France a été créée en 2016, dans la suite du programme de la nouvelle France Industrielle porté par le gouvernement de l’époque. L’association a été initiée par des industriels, avec l’ambition de jouer le rôle de catalyseur du développement d’une expertise et d’une production en France.
Beaucoup de matières premières et de co-produits sont disponibles, de nouvelles technologies peuvent être explorées et les filières sont à construire alors que les consommateurs français sont demandeurs de ces nouveaux modèles que ce soit d’ailleurs pour l’alimentation humaine ou animale.
“Le blé est une des sources de protéines végétales phare de l’Hexagone”.
Au niveau mondial, le soja constitue la première source de protéines végétales, loin devant le blé. Mais celui-ci est l’une des cultures phares de l’Hexagone. La valorisation des protéines du blé est une technologie originaire d’Europe et sa filière s’avère déjà mature en France. Il serait d’ailleurs aujourd’hui plus juste d’appeler les amidonneries, des "protéineries". Les co-produits que sont les sons peuvent d'ailleurs aussi être utilisés pour élever des insectes qui sont une excellente source de protéines pour l’aquaculture.
Un des enjeux pour la filière blé réside dans la recherche de nouveaux débouchés et de valeur ajoutée sur le territoire. Face à la montée en puissance des pays concurrents de l’Est, l’offre de blé française risque, d’ici une dizaine d’années, de ne plus être compétitive sur le marché international. L’ambition est de créer de la valeur sur le territoire par le développement de l’industrie sur des bases existantes, comme pour le blé ou le pois par exemple, mais également par de nouvelles ressources, afin de permettre l’exportation de produits transformés plutôt que de matière première brute. Cela induit aussi de la création d’emplois.
L’ensemble des légumineuses, qui ont un intérêt tant sur le plan nutritionnel qu’agronomique, est à développer. D’autres sources, comme les insectes qui vont concentrer les protéines présentes dans les coproduits de céréales vont aussi être valorisées. Celles-ci sont alors orientées vers la nutrition des animaux d’élevage et reviennent finalement à une utilisation pour l’alimentation humaine. Cela répond au nécessaire enjeu de réduire la dépendance de la nutrition animale française aux importations de soja. Elle se situe actuellement entre 40 et 60 %. Il est donc essentiel non seulement de développer les volets de production agricole et nouvelles ressources, mais également de se concentrer sur la chaine de valeur aval et ceci jusqu’à consommateur final. L’autonomie et l’indépendance alimentaires sont des notions trop souvent oubliées dans les débats publics et pourraient bien devenir une question centrale dans quelques décennies, si l’on ne s’attache pas à la préserver. Nous devons très souvent nous battre au niveau politique pour faire entendre les intérêts de la production alimentaire.
IDC : Y a-t-il des verrous à lever en termes d’acceptabilité par les consommateurs ?
A.W. : Le CFSA (Comité Stratégique de Filière Alimentaire), signé le 16 novembre 2018, a retenu le sujet Protéines du futur comme une des quatre priorités. A cette occasion plusieurs thèmes d’innovation ont été définis : la qualité nutritionnelle, l’allergénicité ou encore le goût. Les autres axes couvrent la communication et l’information des consommateurs et des axes règlementaires qui doivent permettre de faciliter la pénétration de ces nouveaux produits en adaptant par exemple des codes des usages.
Ce sont des thèmes clefs identifiés par l’association et qui doivent contribuer au développement de la filière bien au-delà des membres de Protéines France*.
(*) Membres de Protéines France : AVRIL, LIMAGRAIN, ROQUETTE,
TEREOS, TERRENA, VIVESCIA, ABRIOM, EPI DE GASCOGNE, HERTA,
LABIOCRAC, LESAFFRE, NUTRITION SANTE, OLMIX, ROYAL CANIN,
SOUFFLET, TRIBALAT, YNSECT, IMPROVE
Interview extraite du n°211 du magazine Industries des céréales
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